samedi 8 juin 2013

17ème SIÈCLE : NAISSANCE DU TAROT DE MARSEILLE


Certains historiens ont estimé qu’il y a eu environs 1 millions d’exemplaires de tarots en tout genre, diffusés en Europe au cours du XVIIe siècle.

Le tarologue Michael Dummett se fait plus circonspect et écrit qu'«un million d’exemplaires est probablement une estimation très prudente du nombre de tarot produits en France au XVIIe siècle". Cela dit, quelqu’en fut le nombre publiés, seulement une petite poignée sont parvenu à subsistés dans le temps en totalité ou en partie...

On connaît du XVIIe siècle, trois jeux de Tarots, tous de Paris :

- un Tarot anonyme dit "Tarot de Paris" (créé au début du xviie siècle), le deuxième plus ancien exemple de Tarot conservé dans son entièreté avec ses soixante-dix-huit cartes,

- celui de Jean Noblet (dont ne manquent que quatre cartes de la série des épées numérotées VI à X)

- et celui de Jacques Viéville (également conservé dans l'intégralité de ses soixante-dix-huit cartes) qui apparaissent tous deux vers 1650.

En fait, au cours du 16ème siècle trois principales variétés de cartes susceptibles d'avoir été à l'origine de ces tarots, en raison des relations commerciales et culturelles de de la ville de Paris : les tarots italiens, ceux Lyon où ils ont été sans doute francisés, et les cartes espagnoles d'origine arabe, qui gagnaient en popularité le long du golfe de Gascogne et dans certaines régions de la France, et enfin les jeux de chasse allemands...

Un modèle complètement à part a également été introduit en Sicile autours de 1600, où une autre variante inusité du tarot s’est développés.

Et les jeux de cartes étaient déjà très en vogue en Espagne à cette époque, et ils étaient diffusés dans certaines partie de la France et même outre-Rhin!

Il reste également du XVIIe siècle, la plus ancienne règle du jeu de Tarot imprimée, due à la plume de l'abbé Michel de Marolles et imprimée à Nevers en 1637.

(L’historien Luc d’Aubusson a retrouvé des règles semblables dans un almanach publié en Espagne en 1585, mais ces règles concernaient le jeu de carte de Séville, dit naibes).

Quelques décennies plus tard, les livres de règles pour différents jeux ont été publiés dans plusieurs langues...

Le "Tarot" a été inclus parmi les jeux dans une collection de 1659, à "La Maison Académique des Jeux" qui comprenait plusieurs versions françaises de Tarot et un tarot suisse : Ancient règles françaises

Néanmoins, les jeux de tarot français (basé sur le style du 15ème siècle Italien - Milanais ou Bolonais) comprennent des exemples du modèle popularisé plus tard par les occultistes, ce qui est aussi la seule référence connue en dehors de l'Italie avant le milieu du 18ème siècle.

Bien qu'originaire de Milan et produit dans de nombreux domaines au-delà de l'Italie et de la France, le style est communément appelé, à tord, "Tarot de Marseille".

Si le jeu de Noblet témoigne clairement de l'influence milanaise évoquée ci-dessus, le "Tarot Anonyme de Paris" et le "Tarot de Jacques Viéville" semblent témoigner de certains caractères propres aux jeux bolonais du début du XVIe siècle.

Ces trois tarots, qui apparemment circulaient à Paris au XVIIème siècle sont les ancêtres du tarot de Marseille, et de la tradition de "jouer aux cartes". cette tradition des cartes étaient aussi présente à Lyon ou en Belgique.

La popularité du jeu, par contre, semble en déclin dès la deuxième moitié du XVIIème siècle.

Pour les questions de divination, c’est une autre histoire....qui remonte à beaucoup plus loin dans le passé...

La divination par la boule de cristal semble dater seulement du XVIème siècle. Cette technique fut rapportée par les bohémiens. Il est possible aussi que les gitans aient commencés à se servir de cartes à jouer pour la divination à la même époque. Un ouvrage du XVIIème siècle sur les traditions du Nord de l’Italie rapporte que "les bohémiens utilisent parfois le jeu de naibes allemands à la manière ancienne des bateleurs".

1637 : LE TAROT ANONYME DE PARIS



Il y a certains historiens des tarots qui prétendent que le "Tarot de Paris" a été créé en 1610. Mais il manque d’information afin d’attester cette hypothèse. Il est plus sur de dire qu’il est apparut à Paris en 1637.

Le Tarot de Paris est un tarot début du 17ème siècle conservé à la Bibliothèque nationale de la même ville. Le nom fait référence à cette plate-forme particulière, non pas au motif une fois utilisé dans Paris comme une norme locale.

De nombreuses fonctionnalités intéressantes rendre le Tarot de Paris assez unique. L'un d'eux est qu'il est considéré comme le plus ancien tarot dans le monde dont le plein jeu de 78 cartes a été préservé.

Un autre aspect est que ce tarot semble être le résultat éclectique de plusieurs types de cartes à jouer mélangés ensemble.

Le Tarot Anonyme de Paris fut (avec le Tarot de Jean Noblet) un des tout premier tarot annoté, c'est-à-dire, affichant des noms pour les lames. Il est aussi un des rares tarot à avoir le nom de "LA FOUDRE" pour désigner l’arcane 16, dénommé par Noblet "La Maison-Dieu" ; qui deviendra le terme utilisé pour les tarots dits "de Marseille". Cela laisse entendre que c’est ainsi que l’on désignait cette lame, du temps où les noms n’étaient pas encore indiqués, mais je soupçonne fort que le terme "La Foudre", est plus juste, surtout si on se réfère aux antiques tarots italiens qui ont inspiré ce jeu.

En comparant le Tarot Anonyme de Paris à un Tarot de Marseille, si on remarque que plusieurs noms donnés aux lames sont semblables à la norme, on s'étonne tout de suite des nombreuses différences en ce qui a trait aux illustrations. Plusieurs arcanes montre une toute autre iconographie. Certaines sont absolument révélatrices aussi !! C'est pourquoi nous devrons revenir sur les images des arcanes de ce tarot plus en détail dans des articles à venir... Le Tarot Anonyme de Paris est un objet d'étude fort intéressant. Il cache tellement de détails clés, qu'il apparaît pour être le plus "mystérieux" des tarots parut à Paris si on le compare au Viéville ou au Noblet.

Quant à cet "encadrement" de la carte en damier, elle est un ornement qui était utilisé en Belgique, en Allemagne et en Alscace. On serait tenté de faire le rapprochement avec la symbolique franc-maçonnique qui se rapporte au damier.


L’historien Luc d’Aubusson explique qu’il y avait 3 tarots à Paris, celui des Francs-maçons (L’Anonyme), celui de la Fraternité Rose-Croix (Viéville) et celui des Confrères-Artisans (Noblet), et ces deux derniers en relation avec la "Croix de Malte" allusion peut-être à des allégeances templières.

Le plus ancien tarot français connu dont certaines cartes se sont conservées jusqu’à nos jours sont celle d’une édition de fantaisie réalisé à Lyon en 1557, maintenant appelé "Tarot de Catelin Geofroy". C’est, en vérité le plus ancien tarot connu pourvu d’un cadre en damier. Or cette enjolivure serait née chez les cartiers de Lyon. Sinon on trouvait aussi des tarots ainsi ornés en Allemagne et en Belgique.

Les tarots Anonyme de Paris, celui de Jacques Viéville, et celui de Jean Noblet paraîtrons presque simultanément à Paris. L’énigme qui entourent la parution de ces trois tarot a été résolue par l’historien Luc d’Aubusson, qui explique, entre autre que le Viéville et le Noblet ont été imprimés au même endroit (chez le même imprimeur), les endos des cartes ayant une origine commune. Tandis que le Tarot Anonyme de Paris était le résultat d'un travail réalisé par des confréries d’imagiers et de graveurs...

Cela dit, le Tarot de Noblet, doit être considéré pour être l’ancêtre du Tarot de Marseille... Le Viéville et l’Anonyme de Paris n’en sont pas moins des tarots fort éloquents. Ils se présentent comme des "étapes nécessaires", dans l'élaboration des tarots par les artisans initiés à l'antique tradition.

Si, les tarots de Viéville et l’Anonyme de Paris sont basés sur les plus anciens tarots, il n’en reste pas moins qu’ils en sont des versions complètement remaniés. On y retrouve, certes, une apparentée remontant jusqu’aux tarots de Visconti, voire même le "Mantega", mais avec cette énigmatique influence "flamande", qui démontre que les tarots se sont développés en passant par la Suisse, la zone frontalière et le nord-est de la France... Avant d’être produit à Paris, il existait apparemment des exemplaires du tarot semblable à celui de Viéville en Belgique et en Alsace.

Pour ce qui est du Tarot Anonyme de Paris, en outre, toutes les cartes comportant de personnages sont conçues de manière un peu glamour, à la mode fantaisiste, ce qui suggère que ce tarot, comme celui de Geofrey Catelin, était une édition de luxe, avec des illustrations traditionnelles encore en fonction, des thèmes en vogue que l'on retrouvaient dans la plupart des jeux de cette époque en France et en Belgique. Curieusement, au 16ème siècle les tarots de fantaisie ne sont pas du tout rares.

Par contre, l'absence d'une tradition consolidée démontre qu’il n’y a pas encore un modèle "fixe" de déterminé. Il apparaît qu’au cours du 16ème siècle les cartiers avaient encore libre cours de concevoir des jeux sans avoir à se conformer à une norme. Cela démontre d’une manière que un les tarots étaient en gestation et que peu à peu les cartiers étaient train de l’élaborer, d’en parfaire la forme. Ce jusqu’à ce qu’enfin l’on arrive à ce "modèle fixe" auquel les joueurs et les cartiers allaient finir par se conformer d’une manière ou d’une autre... On pourrait donc dire que le concept même de "modèle" en tant que prototype fixe était encore en cours de développement.

Le "Tarot Anonyme de Paris" pour sa part est un tarot imprimé à partir de bloc de bois souffrant d’une coloration faite hâtivement au pochoir, ce qui ne donne pas une belle qualité d’impression, (avec des bavures et des détails cachés par l’encrage. Ce qui fait de ce tarot un tarot artisanal, qui se voulait abordable. Sans doute, le "Tarot Anonyme de Paris" imitait les tarots de luxe, il en était une reproduction bon marché.

Néanmoins, on peut supposer que l’éditeur anonyme de ce Tarot sans nom parut à Paris avait alors embauché un très habile artisan pour faire ce que nous appellerions aujourd'hui un "tarot spécial", une nouveauté accrocheuse. Cette édition ne fut certainement pas destinée pour les richissimes qui s’offraient encore des tarots peint à la main, mais plutôt pour la classe moyenne.



La très particulière illustration de l'arcane 16 du Tarot Anonyme de Paris
à suivre...

VERSIONS DISPONIBLES DU TAROT ANONYME DE PARIS




(pour de plus amples informations au sujet du Tarot Anonyme de Paris de Éditions SIVILIXI : cliquez sur l'image)

Ce tarot est surtout une pièce de collection, sinon un élément important pour l’étude des tarots ; mais personnellement, je ne le conseille pas pour l’utilisation en tant qu’outil de divination. À moins de vraiment se sentir à l’aise avec ce jeu et d’être naturellement attiré par ses illustrations...

C’est, au départ, un très beau tarot, mais qui a pris de l’âge, et les reproductions disponibles démontrent qu’il est plutôt usée par le temps...

Mis à part cela, c’est un bon tarot en soi... L’encadrement de ses lames avec des échiquiers lui donne un certains style qui n’est pas sans attrait. C’est un des tarots qui demande une rénovation en règle et il est à souhaiter qu’un jour un cartier ou un éditeur se mette à la tâche et nous en propose une nouvelle version "redessinée".

Il existe à ma connaissance deux versions éditées de ce dit "Tarot Anonyme de Paris". Il s’agit de reproductions en fac-similé. L’une est disponible aux Éditions Héron et l’autre aux Éditions Sivilixi, qui en propose une version artisanale magnifique.

On peut constater du magnifique travail qu’ils ont fait afin de restaurer et réhabiliter le Tarot Anonyme de Paris, ici : SIVILIXI

1647 : TAROT DE SÉVILLE



Tartot de Séville, 1647 

Les exemplaires que nous avons aujourd'hui des premières cartes à jouer espagnoles sont très incomplets. Toutefois, un examen systématique d'un large corpus des plus anciennes cartes espagnoles conservées dans les collections publiques et privées montre au moins deux schémas cohérents. Il s'agit bien des ancêtres directs de nos communs "jeux de cartes".

Il semble, de toute évidence que le "style" des cartes espagnole a eu une influence aussi sur les tarots, mais surtout il semble que ces jeux soient à l'origine des "arcanes mineurs" des tarots dits "de Marseille".

Ces cartes à jouer furent très en vogue en Espagne mais leur popularité s'étendra aussi loin qu'en Bulgarie ! Ce fut des sortes de jeux que les voyageurs amenaient partout avec eux pour se divertir. L'histoire rapporte qu'il y avait de ces jeux qui circulaient en Espagne avant la Royaume d'Aragon.

Le Royaume d'Espagne a été créé en 1496 (comprenant l'Andalousie ainsi que les Castiles), lorsque le roi d'Aragon a épousé la reine de Castille...

Par la suite, Charles V (d'Espagne) et ses successeurs régnèrent sur une mosaïque d'entités où ils ont été représentés par des "vice-rois"... Il est fortement possible que les cartes imitaient le système mis en place par la monarchie.

En fait, le roi d'Espagne régna seulement en Castille. C'est pourquoi c'est dans ce royaume que les cartes à jouer ont été mise en circulation légalement pour la première fois dans l'histoire européenne : en 1543, Charles accorde effectivement à un banquier, un monopole (estanco) sur la distribution des cartes à jouer, et plus tard, au cours du 16ème siècle, la légende "con licencia del rey Nuestro" "S EXCLUSIF" (avec la permission du Roi notre Seigneur) a été imprimé sur les cartes.


Tartot de Séville, 1647 (Fournier 1982 Espagne).

Les cartes de Castille portent souvent la mention "fechas en Madrid" (fait à Madrid) alors que les cartes d'Andalousie portent généralement "fechas en Sevilla". Ces derniers sont appelés ici "modèle Séville".

La combinaison et les nombreuses caractéristiques du modèle Séville (certaines partagé avec d'autres modèles) ont été appliquées à la confection des tarots et autres jeux réalisé en Suisse, en Allemagne et en France au début du XVIIème siècle. On en retrouvera le style surtout dans des jeux produit en Allemagne.

Exemples en date comprise entre 1587 (British Museum) et 1708 (Bibliothèque nationale de France). Le "motif Séville" semble avoir disparu plus tôt que le "modèle Madrid", mais aucune date ne peut être attribué avec certitude.

Ceci est confirmé par des preuves littéraires, à savoir Francisco de Luque Fajardo dans son « Fiel desengaño contra la ociosidad y los Juegos » (Madrid, 1603), qui fait une distinction entre "naipes de Castilla" et les cartes "en estampe de Andalucia".

Le modèle de Séville a probablement été fabriqué en versions de 40 et 48 cartes, avec les roi, les cavalier,  et les reines, plus les "As" et des cartes allant de 6 à 10.

La plupart des des paquets de "cartes à jouer" qui ont survécus sont anonymes. Bien que certains d'entre eux ont certainement été fait à Séville, d'autres peuvent avoir été faites à l'étranger, peut-être en France.

Si nous abordons ce jeu, qui n’est pas en soi un véritable "tarot de Marseille", c’est parce que, comme j,en faisais mention, il est la source première d’inspiration en ce qui concerne les "arcanes mineurs" de tous les tarots à venir...

Il apparaît que la plupart des innovations au sujet des arcanes mineurs se sont faites en Espagne et a influencé le travail des cartiers de France, de Suisse ou d’Allemagne en ce qui concerna la manière de penser les mineurs.

De plus, les jeux de cartes espagnoles ont été populaires partout en Europe, surtout auprès des joueurs de cartes, mais aussi auprès des "diseuses de bonne aventures".

Permettez-moi la de dire (de manière allusive) : qu'"il y a fort à parier" que les "gitans" d’Espagne pratiquaient déjà la cartomancie avec ces fameuses cartes de Séville!

LES REBONDISSEMENTS DE L’HISTOIRE

Après la paix des Pyrénées (1659), le royaume de France devient une puissance dont le rayonnement s'étend à une grande partie de l'Europe.

Cette période est marquée, en Europe, par la terrible "Guerre de Trente Ans" (1618-1648), et par un ensemble d'autres guerres par lesquelles les rois ou princes des différents pays cherchent à détrôner les rois étrangers afin de récupérer un maximum de pouvoir.

Mais c'est aussi une période de très grands changements du point de vue culturel...

La culture française rayonne en Europe, dans tous les domaines, appuyée par la création d'Académies : La littérature, les arts, les sciences...

- Le français est confirmé comme la langue des grands écrivains (Molière, Corneille…).
- La peinture, la sculpture, l'architecture, et la musique sont florissantes.
- Les scientifiques français tiennent une place très importante en Europe (astronomie, mathématiques, physique, optique), avec Fermat, Pascal, Descartes...
- Les artistes et les intellectuels français sont alors au cœur des réseaux culturels européens.
- etc...

C'est la raison pour laquelle le XVIIe siècle est quelquefois appelé en France le "Grand Siècle".

Cette société d’érudits, d’intellectuels et d’initiés a eu des rapports avec les Rose-Croix car, dans un écrit de 1650... La Rose-Croix est un ordre hermétiste chrétien légendaire dont les premières mentions remontent au début du XVIIe siècle en Allemagne... L'existence de l'ordre, et celle de son fondateur Christian Rosenkreutz, sont sujettes à controverse.

Quoi qu'il en soit, à partir du XVIIIe siècle et jusqu'à aujourd'hui, de nombreux mouvements se sont réclamés de l'ordre de la Rose-Croix, ou se sont référés à la "tradition rosicrucienne" ou à l'"héritage de Christian Rose-Croix".

Leurs membres sont appelés les « rosicruciens ». Le terme "Rose-Croix" désigne, dans leur langage, un état de perfection spirituelle et morale.

Comme archétype de société secrète, immémoriale et toute-puissante, les rose-croix apparaissent dans la littérature ésotérisante, souvent comme successeurs des chevaliers du Graal et des Templiers.

Vers 1650, la rose-croix était puissamment organisée en Angleterre. C'est elle qui devait introduire dans la franc-maçonnerie le système des hauts grades, dits écossais.

« C'est un vaste système théosophique, un christianisme ésotérique fortement influencé par l'hermétisme, la kabbale juive, le néoplatonisme et la gnose… On y trouve développés tous les thèmes classiques de l'ésotérisme (notamment la cosmologie sexuelle.) » 

(Serge Hutin, les sociétés secrètes, P.U.F.)

1630-1650 TAROT JACQUES VIÉVILLE




Le Tarot ici présentée a été fait à Paris par le cartier Jacques Viéville, actif de 1643 à 1664

Le Tarot de Jacques Viéville est un jeu de style flamand qui est unique en son genre. Par contre, il y a suffisamment de preuves pour dire que, pendant les mêmes années d'autres fabricants (par exemple Jean Noblet, c.1650) produisaient des tarots avec le schéma classique dit "de Marseille".

Mais les cartes de Viéville, pourtant assez proche de la conception standard venu du sud de la France, révèlent des différences intéressantes, qui sont compatibles avec l'influence probablement exercée par la conception nord-est italien.

Trois des ses arcanes affichent des images similaires aux tarots créés à Ferrare au 15ème siècle (l'astronome, la fileuse et le monde, représenté par un globe), de sorte qu'il est possible que le style flamand particulier au tarot de Viéville trouve son origine lointaine dans les tarots peints à Ferrare et représente un modèle alternatif de l'iconographie.

Les tarots sont réapparus en France et en Belgique dans les années 1600. Il est possible que ce modèle ne soit jamais paru et mis sous impression. En vérité, nous n'avons tout simplement pas d’exemples originaux rescapés de l’époque mais seulement une reproduction à partir des moules.

La technique utilisée par Viéville pour la réalisation de ce tarot était le même que celui adopté dans le sud, c'est à dire gravures sur bois, couleur au moyen de pochoirs.

Le résultat global peut apparaître très similaire à un tarot de Marseille classique, mais un examen plus attentif révèle plusieurs différences.

Le tarot de Viéville se compose toujours de ses 78 sujets d'origine. Malheureusement, ce n'est pas le cas pour d'autres jeux faites dans le nord de la France pendant le même âge, dont quelques-uns ont survécu en partie seulement, et dont beaucoup ont complètement disparu.

Par conséquent, on peut se demander si ce tarot doit être étiqueté comme un nouveau modèle, qui aurait coexisté avec la variété la plus traditionnelle des trots dits "de Marseille", plutôt que de le considérer simplement comme une « tarot flamand ». Il est possible que des cartiers à Paris se soient inspiré des jeux italiens, et en aient produit une variante, mais d’autre part, ce jeu ne semble pas avoir été publié à grand tirage.

Il ya aussi une autre théorie qui propose une autre origine pour le Viéville : ce tarot est, peut-être le signe avant-coureur d'un changement lent qui près d'un siècle plus tard conduira à la création du modèle utilisé dans le nord de la France et en Belgique au cours des années 1700 (par exemple, le tarot Belge de Van den Borre). Effectivement, certains modèles français d’Alsace ou belge, qui se sont développées entre Rouen, Bruxelles et Gand, sont très proches dans leur conception.

PARTICULARITÉS DU TAROT DE VIÉVILLE :

Sur les lames du tarot Viéville les noms des sujets ne sont pas indiqué, seulement les numéros qui permettent de les mettre en ordre. Néanmoins, presque tous les sujets sont mentionnés sur l'as de pièces et le "2 de Coupes" (voir les deux illustrations), dans une sorte d'invocation, grâce à laquelle leurs noms sont évoqués.


"PERE SAINCT FAIT MOI YUSTICE DE CE VIELART MA E BAGA AMOVREVX DE CESTE DAME QVV SOIT CRYE 

A SON DE TROMPE PAR TOVT LE MONDE DE PAR LE PAPE LA PAPESSE L'ANPEREVR LINPERATRYCE LE SOLEIL 

LA LUNE LES ESTOILES LA FOVDRE PRINS A FORCE QVY SOIT PENDU E TRANNAY AV DYABLE"

Dans le texte, ils ne sont pas ordonnés, mais leur classement est facilement compréhensible par le nombre qu'ils portent.

Aussi, on s’étonnera à voir que les endos des cartes affichent des motifs hexagonaux avec des "croix de Malte". D'autant plus qu'on retrouve ces même curieuses croix, excatemet le même motif, sur l'endos des cartes du Tarot de Jean Noblet !!!! Cela laisse entendre que les tarots de Viéville et Noblet ont un fort lien en commun. Il semble qu'ils ont été réalisés tout les deux dans la même imprimerie, mais destinés à deux éditeurs différents.

Le Pendu "à l’envers"

La très particulière illustration de l'arcane 12 du Tarot de Jacques Viéville
à suivre...

L'orientation inversée

La plus étonnante et déroutante particularité du Tarot de Viéville est que la plupart des personnages sur les illustrations sont inversés, et regardent dans la direction opposée par rapport aux tarots de Marseille traditionnels, même chez les arcanes mineurs.

Certains se demandent : Viéville a-t-il imprimé son tarot à l’envers? Aurait-il reproduit les dessins des moules d’un autre tarot sans faire l’inversion des illustrations? À quoi est dû cet effet-miroir?

Effectivement, en supposant que l'orientation des illustrations de la feuille Cary est correspondante à celle qu’on voit sur les tarots du sud de la France, on s’étonne de voir tout à coup apparaître des tarots aux illustrations inversées.

Mais pour les cartiers, il était plus simple de copier le modèle d’un tarot en le dessinant tel-quel, et dans le même sens sur ses blocs avant de les sculpter, ce qui fait de cette nouvelle version une version inversée. Mais ce n'est qu'une supposition, et de toute façon une orientation vers la gauche ou vers la droite n'affecte pas beaucoup la symbolique et la signification morale des allégories. Mais, pour certains puristes, pointilleux, ce tarot est une source d’infinis débats. Il y a effectivement des pratiquants de la taromancie et de la tarologie qui donnent de l’importance à l’orientation des personnages... Le Fou se dirige-t-il vers le passé ou l’avenir? Et l’Ermite où s’en va-t-il?

Pour ceux pour qui ces détails sont importants, il vaut mieux s’en remettre à un autre tarot... Il est évident que l’ordre conforme est celle qui existait déjà à Ferrare, et qu’on retrouvera dans la majorité des tarots de Marseille. Donc en ce sens le Viéville est "inversé". Noblet remettra les personnages dans "le bon sens".

Pour de plus amples informations au sujet du Tarot de Jacques Viéville jetez un petit coup d’œil ici : http://editions-sivilixi.com/le-tarot-de-jacques-vieville/

Nous pouvons trouver encore assez facilement ce jeu qui est peu en demande selon les revendeurs ; en raison probablement de ses particularités, notamment sa progression qui diffère des autres jeux traditionnels ainsi que son graphisme. Selon certains commentateurs, ce jeu serait véritablement un jeu de "tradition" de nature alchimique.

RÉÉDITIONS DU TAROT DE VIÉVILLE


Comme c’est le cas souvent, les fac-similés d’anciens tarots proposent bien souvent des jeux aux couleurs et aux lignes défraichies. Évidemment, en ce cas il faut se rabattre sur des jeux rénovés ou redessinés. Mais, dernièrement la nouvelle maison d’édition SIVILIXI a décidé de réédité une version authentique, artisanale de ce tarot qui semble la meilleure réalisée à date.

Voir le magnifique travail de SIVILIXI ici
(en cliquant sur l'image du livre)



De plus, le site propose un ouvrage spécialement consacré au Tarot de Jacques Viéville

TAROT JACQUES VIÉVILLE DE HERON-BOECHAT



(cliquez sur l'image pour accéder au site concernant ce tarot)

Il existe une autre réédition du tarot de Jacques Viéville qui se veut reproduit le plus authentiquement possible. Cette réalisation du Maître Cartier de Bordeaux Héron-Boechat, propose depuis 1984 une version fac-similé du Tarot de Viéville qui est très bien faites, offert à un prix plus raisonnable. 

Cela dit...

TAROT JACQUES VIÉVILLE DE JEAN-CLAUDE FLORNOY




(pour de plus amples informations au sujet du Tarot Viéville de J.C. Flornoy : cliquez sur l'image)

Quant à une version redessinée idéale... Pour le moment il n’y en a qu’une seule qui soit disponible, et heureusement fort bien réalisée. C’est le Tarot de Viéville redessinés par Jean-Claude Flornoy qui, encore une fois, prouve son savoir faire, et nous propose un tarot de référence en ce qui a trait au Viéville. C’est le seul tarot redessiné, le seul aussi avec des lames réversible et très franchement il sera difficile de faire mieux. À vrai dire, je trouve que des trois tarots redessinés par JC Flornoy (Noblet, Dodal, Viéville), celui de Viéville est le mieux réussi des trois.


(pour de plus amples informations au sujet du Tarot Viéville de J.C. Flornoy : cliquez sur l'image)

Mais parlons de ces fameuses "lames renversées"! Il s’agit ici d’une innovation autant surprenante que judicieuse. Cela permet de se servir du Tarot de Viéville comme d’un Tarot de Marseille conventionnel. (Pour certains puristes, cette "innovation" a été mal reçue, mais pour d’autres, et pour moi, cette pirouette est considérée comme étant très ingénieuse...

Comme c’est le cas pour son tarot de Jean Noblet, le Tarot de Jacques Viéville de Jean-Claude Flornoy est un "must", et doit être considéré comme un des plus importants de l’histoire moderne des tarots de Marseille.

Le Tarot de Viéville redessiné par Jean-Claude Flornoy est un véritable petit chef-d’œuvre. Les traits des dessins, le choix des coloris lumineux, la facture des lames... Décidément, ce Tarot a été fait avec beaucoup de respect et de savoir-faire. Et surtout, comme par magie, le voilà agréablement magnifié!

2 commentaires:

  1. Le Guide de la Voyance 2015 est une sélection sérieuse de voyants, voyantes, médiums, astrologues, tarologues, numérologues,hautement qualifiés.

    Pour plus d'informations : http://www.guide-voyancegratuite.fr/voyance.php

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  2. Voici un lien intéressant, concernant l'origine éventuelle du tarot de "marseille", et les découvertes de "Marcile" Ficin dans l'Italie du XV et XVIème siècle. https://www.youtube.com/watch?v=Uf0yExawsNk

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