Le 13 octobre 1307 voit l’arrestation des templiers sur ordre du roi de France Philippe le Bel. Le 19 mars 1314 dans l’après-midi, l’Ordre du Temple est définitivement éliminé avec la mort de Jacques de Molay sur le bûcher de l’Ile aux Juifs à Paris. En cet après-midi de drame, les maîtres des fraternités de bâtisseurs présents lancent ce que la tradition compagnonnique nomme : la grève des cathédrales.
En trois semaines, le mot circule sur l’ensemble des chantiers répartis sur les provinces contrôlées par le roi, et tous les ouvriers, de l’apprenti au maître, lâchent les outils et quittent la France ou retrouvent leurs familles.
La société sacrée du Moyen-Âge est morte dans cette grève et cette émigration. Plus aucune église ou chapelle ne sera construite dans les règles de l’art : l’art de magnifier par la pierre les forces telluriques de la wouïvre et d’y baigner le peuple des croyants. Le temps de l’Inquisition et de la dictature des religieux commence pour l’Europe.
Ceux qui restent, doivent quitter leurs fraternités et, pour rester en vie, se fondent dans l’anonymat de la société civile.
Ceux qui partent, vont pour le plus grand nombre en Italie du nord, où ils feront la Renaissance en travaillant pour les princes ; quelques fraternités émigrent plus loin encore, dont une, originaire du Poitou, ira jusqu’au Moyen-Orient dans le dernier royaume franc qui résiste encore, celui des Lusignans de Cilicie, coincé entre les actuelles Syrie et Turquie.
Petit royaume inféodé à l’empereur romain-germanique, il disparaîtra sous les coups des Mameluks en 1375. Les fils de ceux qui firent la grève des cathédrales, retournèrent en pays chrétien, dans l’effervescence de cette Italie du nord, où, surnommés « les sarrasins » ils lâchèrent leurs connaissances dans une bouteille jetée à la mer : le "Tarot".
Alors, pour parler de la "langue des oiseaux", nous devons convenir de deux périodes. Avant la grève, où cette "langue" est parlée en langage d’art goth et s’exprime en mots et images sur tous les chantiers des cathédrales, et après la grève, où elle rentre dans la clandestinité.
La langue des oiseaux fonctionne sur le registre de la spontanéité et de la compréhension directe. Un des exemples les plus classiques, bien que tardif, à partir du 17e siècle probablement, est certainement celui des auberges nommées : « au lion d’or », « au cochon d’or ». Il vous est peut-être arrivé de passer devant ce genre d’enseignes. Que signifie l’image ? Rien de particulier si ce n’est un lion, souvent mal dessiné, ou un cochon couleur or. Alors pourquoi ce nom idiot ? Parce qu’au lit on dort, ou qu’à l’arrêt « au coche » on dort. Coche était l’ancien nom pour cochon.
Nous entrons dans les jeux de mots qui caractérisent cette « langue des oiseaux ». Bien sûr, nos anciens ne se sont pas contentés de bêtises de ce genre.
En fils de ma "Mère l’Oye" et bons sujets de la Reine Pédauque, en hommes « pattés » à l’épaule, ils jargonnaient évidemment... Leur langue était la langue des oisons, pas vraiment encore la dite langue "des oiseaux". Cela commence avec l'idée de coder des messages, voir des enseignements, initiatiques...
Nous sommes ici dans la tradition des enfants de Maître Jacques. Pour ces magiciens, comme pour certains soufis d’aujourd’hui, ce qui compte avant tout, c’est de créer cet instant magique de suspension du temps, cette béance par laquelle nous sommes tous reliés au divin. Leurs jeux de mots devaient être littéralement « à vous couper le souffle ». Les cagots du sud ouest étaient les derniers survivants de cette culture et portèrent jusque vers 1730 la patte d’oie de tissu rouge cousue sur l’épaule gauche.
La langue des oisons de la première période est totalement directe, et est à prendre au premier degré strictement, dans l’immédiateté.
À l’abbatiale romano-bysantine construite par Eléonore d’Aquitaine à Souillac (Lot) en chapiteau au 8ème pilier du déambulatoire, ainsi qu’à l’église de Talmont en Charente, nous pouvons voir la représentation d’un héron qui met son bec dans l’oreille d’une chouette. La chouette d’Athéna (Minerve) bien entendu, représentante de la possibilité d’accès à la connaissance. Le héron serait il alors une représentation de Thot-Hermès?!
Initiez-vous! Plusieurs églises et chapelles romanes sont gardienne de ses imageries. À vous de les observer plus minutieusement et de les laisser vivre en vous. Le dos contre la pierre, laissez-vous "envoûter", c’est magique!
Voici déjà deux niveaux de cette langue des oisons. Un jeu de mot et d’image, un jeu d’image et d’expérimentation...
Quand, sur la diablesse de l’arcane XV Le Diable, le graveur du tarot de Nicolas Conver place trois petits points sur sa poitrine, il faut lire ce message aussi simplement que possible : la franc-maçonnerie est une diablesse. Serfs du Diable!
Après le bûcher des templiers et l’arrivée de l’Inquisition, la vie sociale de l’Europe va basculer dans la répression de la vieille science, le "gay-scavoir".
C’est par dizaines de milliers que les bûchers seront allumés. Seules quelques professions conservant leurs traditions passeront le fil des siècles, les médecins, les apothicaires, les charpentiers, et quelques autres.
La langue des oisons, envolés vers d’autres cieux depuis le 19 mars 1314, devint la langue des oiseaux, entra dans la clandestinité, devint langue d’initiés et ses jeux de mots se firent de plus en plus savants, même le grec fut utilisé.
Quant aux jeux d’images des alchymistes, certains sont encore compréhensibles relativement facilement, mais pour beaucoup il est nécessaire de les aborder avec une culture importante.
Nous rencontrons de temps en temps des individus dont la verdeur et la spontanéité de langue créent en nous cette béance comme un coup de poing au plexus. Ils sont, au moins dans cet instant magique, des Mats et nous réactivent la langue des oiseaux.
Le Tarot de Marseille est réellement un jeu qui s’exprime au sens propre du terme, c’est à dire qui parle, émet des sons propres à être entendus et compris ! Véhicule ésotérique, il obéit en cela à la regle de la transmission orale, et communique par le son. Sa grande force réside dans le procède appelé Langue des Oiseaux et, utilisé par les Alchimistes du moyen-Âge.
La langue des oiseaux consiste à faire décoller le son en entendant autrement ce qui est dit par l'écrit (le comprendre "par les cris"), en passant outre la réunion de lettres pour ne retenir que le sens. Un exemple simple s'impose pour bien comprendre et résumer le principe :
"Voici un message secret disant les mots"
"Vois si un met sage se crée, dit sans les mots"
La première ligne est la phrase officielle, la deuxième le sens officieux, l'entendement selon la langue des oiseaux. La langue des oiseaux comme méthode de cryptographie se révèle fort ancienne et fut employée très tôt par les alchimistes. Méditons, par exemple, sur ce passage d'Artéphius, célèbre alchimiste médiéval :
"Ne sait-on pas que notre art est un art cabalistique ? Je veux dire, qui ne se révèle que de bouche, et qui est rempli de mystères ; Et toi, pauvre sot que tu es, serais-tu assez simple pour croire que nous enseignons ouvertement et clairement le plus grand et le plus important de tous les secrets, et pour prendre nos paroles à la lettres".
Bonjour,
RépondreSupprimerCe serait très cordial de citer vos sources pour le dernier paragraphe de votre intéressant article. Ce texte est déposé et vient du site :
criptkabbale.com
Je vous remercie d'avance
Cript Kabbale