Depuis 2 siècles, plus de 7000 jeux de tarots différents ont été dessinés et imprimés, c’est dire la fascination qu’exerce toujours cet art divinatoire, en dépit du rationalisme ambiant.
Mais l’origine du jeu en lui-même demeure mystérieuse.
Selon les auteurs, il est tour à tour d’origine Égyptienne, Chaldéenne, Hébreux, Arabe, Hindoue, Grecque, Chinoise, Gitane, Maya… voire extraterrestre ou angélique.
Différents occultistes ou historiens prétendirent avoir retrouvé l’essence du Tarot originel, son écriture et son sens premier.
Quelques
cartes issues du tarot de Marseille de GEOFFROY CATELIN de Lyon en 1557
Mais personne ne sait vraiment qui est l’auteur ou qui sont les auteurs du Tarot, ni même où, quand, ni par quelle démarche il a été créé, ni quels sont sa forme et son fond originaux.
On n’en sait pas plus sur l’origine étymologique du mot « TAROT », ni à quelle langue on le doit.
Le mot serait Égyptien (Tar : chemin et Ros ou Rob : Royal), Indo-Tartare (Tan-Tara : Zodiaque), Hébreux (Tora : Loi), Latin (Rota : la roue et/ou orat : il parle), Sanskrit (Tat : le tout et/ou tar-o : étoile fixe), ou encore Chinois (Tao).
Peut-être le Tarot est-il tout cela à la fois ?
La paternité du Tarot a été revendiquée par divers groupes ethniques ou religieux, sans oublier les sociétés secrètes : des Juifs aux Francs-Maçons, en passant par les Rose-Croix, les Soufis et les Gitans. On peut également voir des influences Chrétiennes, des Evangiles ou de l’Apocalypse de Saint-Jean (ou Livre des Révélations) dans les lames à figures religieuses le Pape, le Diables) ou dans le représentation de vertus ordinales (La Justice) ou cardinales (La Tempérance).
Certains y retrouvent des enseignements Tantriques, Celtiques, du calendrier Aztèque, ou encore Alchimiques, Kabbalistes ou Astrologiques.
Difficile, dans cet enchevêtrement de théories parfois fantaisistes, naïves ou bassement mercantiles re retrouver le « véritable » Tarot de Marseille, ou plutôt, ce qui en a subsisté jusqu’à nous.
Le Tarot reste à ce jour encore anonyme, comme il sied à tout Art Sacré, et l’un des occultistes les plus célèbres, Eliphas Levi l’a défini en ces termes : « C’est un ouvrage monumental et singulier, simple et fort comme les pyramides, durable par conséquent comme elles, livre qui résume toutes les sciences et dont les combinaisons infinies peuvent résoudre tous les problèmes ; livre qui parle en faisant penser ; inspirateur et régulateur de toutes les conceptions possibles : les chef d’œuvre peut-être de l’esprit humain et à coup sûr une des plus belles choses que nous ait laissé l’Antiquité ; clavicule universelle, véritable machine philosophique qui empêche l’esprit de s’égarer, tout en lui laissant son initiative et sa liberté ; ce sont les mathématiques appliquées à l’absolu, c’est l’alliance du positif à l’idéal, c’est une loterie de pensées toutes rigoureusement juste comme les nombres, c’est enfin peut-être ce que le génie humain a jamais conçu tout à la fois de plus simple et de plus grand. » (Dogme et Rituels de Haute Magie, 1854).
Dans cette introduction, je vais me contenter de décrire brièvement la composition du Tarot en lui-même, afin que le lecteur novice ne se sente pas perdu dans la suite des développements.
Le Tarot de Marseille, au sens classique du termes compte 78 cartes au total, cartes que l’on appelle dans le jargon des « lames » ou des « arcanes », lesquelles se divisent en 2 types : les lames dites « majeures » et les lames dites « mineures » par ordre d’importance.
Il y a 56 lames ou arcanes mineures, qui reprennent pour leur part peu ou prou les figures des jeux de cartes à jouer, c’est-à-dire 4 séries de 14 lames ayant pour couleurs les Deniers, les Bâtons, les Epées et les Coupes (il est d’ailleurs à noter que ses couleurs se retrouvent dans les anciens jeux de cartes à jouer espagnols).
À l’intérieur de chaque série se retrouvent 4 figures ou « honneurs » : le Roi (ou Roy), la Reine (ou Reyne, ou encore la Dame, tout simplement), le Cavalier et enfin le Valet, puis 10 chiffres de l’As au 10.
Les lames ou arcanes majeures sont au nombre de 22, ou pour être plus précis, de 21 plus une. L’iconographie est propre à chaque lame et leur symbolique est plus forte, plus chargée de sens. Elles représentent aussi bien des personnages, que des vertus ou encore des astres. Elles sont la valeur ajoutée du Tarot, ce qui le distingue d’un banal jeu de cartes. Ce sont elles qui exercent la plus grande fascination sur les auteurs, des occultistes aux philosophes, en passant par les psychiatres.
Je vais pour l’instant me borner à les nommer, par ordre d’apparition dans le jeu :
0. Le Mât (ou le Fou, qui est à la fois la première et la dernière lame du jeu… ça se complique déjà…)
I. Le Bateleur (parfois appelé, à tord, "Le Magicien" dans les jeux les plus modernes)
II. La Papesse
III. L’Impératrice
IV. L’Empereur
V. Le Pape
VI. L’Amoureux
VII. Le Chariot
VIII. La Justice
IX. L’Hermite
X. La Roue-de-Fortune (parfois "Les Destinées")
XI. La Force
XII. Le Pendu
XIII. L’Arcane sans Nom (souvent improprement nommée "La Mort")
XIV. La Tempérance
XV. Le Diable
XVI. La Maison-Dieu (on peut parfois trouver "La Tour" ou "La Foudre")
XVII. L’Étoile
XVIII. La Lune
XIX. Le Soleil
XX. Le Jugement
XXI. Le Monde.
Le lecteur averti n’aura pas manqué de remarquer avant toutes choses que le jeu mêle les figures religieuses chrétiennes et les figures païennes, les personnages politiques séculiers et les figures mystiques.
Et il aura raison… le Tarot est sans doute tout cela à la fois, Chrétien et Païen, terrestre et céleste.
Il est à noter, pour terminer cette longue – mais nécessaire – introduction que cette description en 78 lames s’applique précisément au Tarot de Marseille dans sa version la plus classique, ainsi qu’aux autres jeux de tarots calqués sur son modèle. Mais il existe également des Tarots qui comportent 81 lames (comme plusieurs Tarots dits Égyptiens), plus rarement 79 ou 80, et encore plus rarement au-delà.
Enfin, il existe d’innombrables autres jeux divinatoires, symboliques, méditatifs ou philosophiques qui ne correspondent pas aux canons de Tarot, et que l’on désigne sous le vocable générique d’ « Oracles » (Oracle de Belline ou Oracle Gé, pour ne citer qu’eux parmi les plus utilisés).
Dans ce dossier, je ne m’intéresserais qu’à la forme classique du Tarot de Marseille, ce qui est déjà bien suffisant…
I. Une recherche historique mouvante et inachevée…
Du jeu de cartes au Tarot
Il n'existe toujours pas de consensus, loin de là, entre spécialistes quant à la naissance réelle (où ? pourquoi ? comment ?…) du Tarot. Tout juste des théories majoritairement acceptées.
Cela vient probablement du fait que le Tarot n’est pas apparu parfait et entier en une seule et même fois, comme le lapin du chapeau du magicien, mais qu’il est au contraire le fruit d’une réflexion progressive, de rencontres en civilisations, entre l’Orient et l’Occident, et qu’il est toujours et encore l’objet de recherches au niveau historique, certes, mais également symbolique.
Le Tarot n’est pas et n’a jamais été un objet figé, une pièce de musée sur une étagère poussiéreuse… au contraire, il a été et il est toujours objet et sujet de recherche, de questionnement et d’interprétation. Le Tarot est et à toujours été « vivant ».
D’ailleurs, on ne sait toujours pas si à sa création le Jeu de Tarot n’ait pas été « qu’un » jeu de cartes à jouer, et que son utilisation initiatique et divinatoire se soit manifestée ultérieurement.
Les premiers jeux de cartes à jouer seraient apparus – entre autres choses – au court du Vème siècle en Chine. De là, ils suivirent la Route de la Soie jusqu’au Moyen-Orient, où ils prirent le nom de « Naïbs ». Enfin, ils parvinrent en Europe, via l’Espagne Mauresque.
Dans les années 1370, les premiers jeux sont donc d’inspiration Sarrasine : les cavaliers, notamment, portent des épées à lames courbes, les cimeterres, de même que les couleurs (coupes – ou tasses – épées, deniers et bâtons – ou maillet – ) sont une référence directe à la culture mamelouk.
Ces cartes ne comportent que des séries d’honneurs (ou figures) et de chiffres, analogues à celles que l’on retrouve sur nos jeux de cartes traditionnels et aux lames mineures. Les arcanes majeures, elles, sont donc d’apparition plus tardive.
On retrouve les premières références historiques de ces jeux, encore de pur divertissement, vers la fin du XIVème siècle, lorsque paraissent des décrets d’interdiction à Paris, Florence ou encore Lille, les jeux de hasard subissant à cette époque les foudres de l’Eglise.
Le jeu le plus ancien conservé à ce jour possède – ou ne possède plus que – 17 cartes. Il est appelé de « Charles VI », mais il est plus connu sous le nom de « Gringonneur » d’après le patronyme du peintre auprès duquel le Roi l’aurait commandé en 1392, comme l’atteste un état de paiement reçu par l’artiste. Mais il est presque acquis que Gringonneur s’est fortement inspiré de jeux existants déjà en Italie du Nord (à Venise ou Ferrare) à la même époque.
La tradition divinatoire existe, quant à elle, depuis l’Antiquité, et sans doute même avant. Les textes de Cicéron et Plutarque au Ier siècle attestent de l’existence d’une sorte de divination par le tirage de « sorts » (des lamelles d’écorces gravées de symboles variés) ou encore de tablettes de bois ou d’argile tirées au hasard aux abord des Temples (notamment celui de Fortuna à Peneste).
Le Tarot le plus proche de celui que nous connaissons aujourd’hui aurait vu le jour en Italie du Nord, alors en plein « Quattrocento » dans des villes aristocratiques et intellectuelles, telles que Bologne, Milan, Florence ou encore Ferrare, avant de prendre peu à peu le chemin des autres cours européennes, au gré des échanges commerciaux et des voyageurs.
À cette époque, le Tarot était toujours un jeu, mais il fut également dans les cours aristocratiques le support privilégié de divertissements raffinés tels que l’écriture de poèmes galants ou encore de sortes de « jeux de la vérité » et autres « portraits chinois » intellectuellement sophistiqués.
Dès la fin du XIV siècle, les prédicateurs et l’Église dénoncèrent le Tarot comme étant l’œuvre du Malin et conduisant l’homme au vice et à l’immoralité… ce qui n’empêcha pas le moins du monde la diffusion des jeux de Tarots à toute l’Europe, où seule l’apparition de jeux plus modernes parvint à les supplanter.
Le plus connu des jeux de tarots, ou « tarocchi » (qui serait l’origine étymologique historiquement orthodoxe du mot « tarot ») est le Tarot Princier dit des « Visconti-Sforza » qui date de 1447. Il a été crée par le peintre Bonifacio Bembo à l’occasion du mariage du Duc de Milan Francisco Sforza et de Bianca Maria Visconti.
Il se compose de 78 cartes, et non plus 54 ou 56 comme les premiers jeux à jouer. Son iconographie riche et la finesse de ses dorures expliquent probablement qu’il soit encore réédité de nos jours.
C’est sans doute vers cette époque que la vingtaine (leur nombre n’est pas encore fixé… ou connu précisément) de lames majeurs, les « Triomfi » ou « triomphes » s’ajoutent aux cartes ordinaires, sans que l’on sache encore aujourd’hui avec certitude pour quelle raison.
On ne sait pas non plus si c’est ce qui a fait passer le Tarot de simple divertissement à mancie ou chemin initiatique.
Le tarot des Visconti-Sforza a été offert selon toutes probabilités en tant qu’objet d’art et jeu d’argent, mais quelques 150 ans plus tard, en 1589, on retrouve à Venise les minutes d’un procès qui suggèrent – au moins dans l’esprit des accusateurs – une association entre Tarot et Sorcellerie. Et après cela, plus rien.
Quelques
cartes du tarot original PIERPONT-MORGAN-VISCONTI de Milan, vers 1441 ou 1452
Il faudra attendre l’avènement des ésotéristes occidentaux (Rose-Croix, Kabbalistes, Francs-Maçons et autres Martinistes) à la fin du XVIIIème siècle pour que le Tarot prenne enfin sa dimension initiatique et divinatoire qui nous fascine encore aujourd’hui.
En France, la plus ancienne référence au Tarot se retrouve en 1534 chez Rabelais, dans son Gargantua, sous la forme du jeu de « tarau » pratiqué par le jeune géant.
À cette époque, les jeux de cartes français sont surtout imprimés à Lyon (jeu de Catelin Geoffroy en 1557) et Paris.
En 1650, le jeu de tarot prend peu à peu la forme que nous connaissons avec le Tarot de Jean Noblet en 1650, bien que le Tarot ancien le plus proche de notre Tarot divinatoire actuel serait celui de François Chosson publié en 1672. Il en existeraient de plus ancien remontant jusqu’à 1608, mais il n’en subsiste aucune trace à ce jour.
Durant tous les XVIIème et XVIIIème siècles, de nouveaux tarots, très proches de ceux de Noblet et Chosson sont publiés un peu partout en France à Chambéry, Avignon (Tarot de Payen 1713), Besançon ou encore Epinal. Ils sont d’ailleurs pour certains de nouveaux imprimés aujourd’hui et font la joie des tarologues amateurs et des collectionneurs.
Mais c’est bien sûr à Marseille que naît en 1760 le tarot de Nicolas Conver, celui qui deviendra et qui reste encore à ce jour la référence en matière de Tarot et qui est pour ainsi dire mondialement connu sous le nom de « Tarot de Marseille ».
Et là encore, bien malin qui pourrait dire si ce jeu avait déjà acquis lors de sa création sa dimension ésotérique et divinatoire.
Évolution
de l'arcane du !FOU" à travers les tarots de Noblet (1650), Dodal (1701) et
Conver (1760)
II.
De l’histoire à la légende
Ou comment la légende éclaire le symbole
Nous l’avons vu, le Tarot n’est pas apparu ex-nihilo, mais se retrouve aux confins des cultures à la fois orientales et occidentales. Toutes ces cultures ont intégré, interprété et se sont réapproprié ses symboles, à la fois archétypaux et relatifs. C’est ce qui fait la force, mais aussi le grand mystère du Tarot.
Si tous les plus grands personnages de l’ésotérisme traditionnel comme moderne se sont appliqués à retrouver la source de ses symboles et leurs significations premières, force est de constater que personne n’a pu déterminer quand, où et comment le Tarot est passé de « simple » jeu, à un instrument d’initiation et de divination.
Est-ce le fruit d’une tradition orale plus ancienne, véhiculée par les peuples nomades indo-européens (Gitans ou Bohémiens ) ?
Est-ce l’aboutissement d’un code secret alchimique, dans le but d’échapper à l’Inquisition ?
Ou est-ce plus simplement le résultat de la réflexion plus tardive d’ésotéristes occidentaux ? A moins qu’ils n’aient redécouvert un langage plus ancien… ?
Si la plupart des auteurs prétendirent tour à tour avoir retrouvé l’essence originaire du Tarot, et l’on souvent modifié en fonction de ce qu’ils croyaient être cette essence originaire ( ce qui donne, aujourd’hui, autant de jeux différents )… nul n’est en mesure de répondre à ces questions avec une absolue certitude.
Ce dossier n’a certainement pas la prétention d’avancer une énième théorie prétendument révolutionnaire, mais d’exposer les plus connues et reconnues d’entre elles, dans le but de montrer comment toutes, anciennes comme modernes, ont éclairer et forger le symbolisme du jeu.
Une longue tradition ésotérique :
C’est de 1781 que date la première référence écrite et avérée au caractère ésotérique et divinatoire du Tarot. On la doit à un archéologue, pasteur protestant et Franc-maçon Antoine Court de Gébelin, dans la publication de son 8ème volume du Monde Primitif, dans lequel il affirme que les symboles du Tarot appartiennent ancien livre renfermant le savoir caché des Prêtres Égyptiens, Le Livre de Thot (dont aucune source sérieuse n’atteste l’existence réelle en Égypte ancienne).
Court de Gébelin n’avance pour se justifier aucune preuve autre que son intuition, mais ceci n’empêche pas un autre Franc-maçon, un barbier du nom d’Alliette de reprendre ses thèses à son compte.
En 1783, Alliette inverse l’ordre des lettres de son nom, prend le pseudonyme d’Eteilla et devient l’un des voyant et devin les plus en vue de la place de Paris.
Il créé lui-même son propre tarot, auquel il ajoute des éléments d’astrologie et de Kabbale Hébraïque, le baptise Livre de Thot, et en fait le plus ancien livre du monde. Ce jeu connu un grand succès à l’époque Napoléonienne et il existe toujours sous le nom de « Grand Eteilla », dans d’ailleurs plusieurs versions plus ou moins modernisées, comme de nombreux jeux s’inspirant de la tradition religieuse et spirituelle égyptienne et ses graphismes.
Près de 50 ans plus tard, c’est au tour d’un autre personnage haut en couleurs de l’occultisme, alors en plein âge d’Or, de donner sa propre version de l’histoire du Tarot. Alphonse Louis Constant (1810-1875) fut plus connu sous le nom d’Eliphas Levi (la traduction hébraïque de son prénom), ex-séminariste qui jeta sa soutane par amour, il mena une vie de bohème, tour à tour aventurier, philosophe et occultiste.
Il réfute l’interprétation égyptienne ainsi que les dessins originaux du Tarot de Marseille de Nicolas Conver, qu’il juge décidément trop « exotériques » et livre sa propre vision, plus « ésotérique ». Il inscrit plus profondément encore le Tarot dans l’Art de la Kabbale et fait correspondre les 22 arcanes majeurs aux 22 lettres de l’alphabet hébraïques. Il ne s’arrête pas en si bon chemin et modifie certains arcanes, tout en écartant les 56 lames mineures.
Il n’en demeure pas moins qu’Eliphas Levi n’était certes pas le premier venu : c’est en effet à lui que l’on doit le terme même de « sciences occultes » et ses nombreux livres ont posé les bases de l’occultisme et de l’ésotérisme que nous connaissons encore aujourd’hui. A la fin de sa vie, Alphonse Louis Constant bénéficiait de l’estime de ses pairs et de ses disciples grâce à sa grande érudition et à son esprit brillant.
En 1889, Oswald Wirth (1860-1943 ) publie le Tarot des Imagiers du Moyen-Âge. Il reprend les idées Kabbalistes de Lévi, et pousse encore plus loin le syncrétisme du Tarot, en y fusionnant la tradition alchimique, l’iconographie des bâtisseurs de cathédrales, la vision égyptienne – tout en réfutant son caractère originaire – des chiffres arabes ou des symboles taoïstes, qui se retrouvent à l’intérieur de chaque carte.
Ce goût du syncrétisme s’explique par la personnalité de Wirth. Ce Suisse allemand, Franc-Maçon et membre de la Société Théosophique, fût le disciple, l’ami et le secrétaire d’un autre grand penseur de l’ésotérisme occidental, le lorrain Stanislas de Guaïta. C’est pour ce dernier que Wirth entreprend de dessiner un nouveau tarot en 1887. Ce travail le passionne tellement qu’il passera 2 ans à rédiger un livre et concevoir son jeu, qui restent encore parmi les plus utilisés.
Dans la vision d'Oswald Wirth. On notera la reprise de la
numérotation hébraïque au bas des cartes
En 1910, un autre occultiste Arthur E Waite publie sa propre version du tarot, le Rider Waite, dessinée d’après ses directives par l’artiste Pamela Colman Smith.
Cet anglais était un membre éminent de la Golden Dawn (Ordre Hermétique de l’Aube Dorée), société secrète britannique qui connu une gloire éphémère, consumée de l’intérieur par des dissensions internes, mais qui marqua l’histoire de l’ésotérisme occidental.
Les choix symbolique et graphique de Waite sont directement dictés par l’enseignement de la Golden Dawn, et c’est à lui que l’on doit la correspondance des 22 arcanes majeures avec l’Arbre de Vie et des 22 voies des 10 Séphiroths de la Kabbale, schéma pour lequel il n’hésita pas modifier l’ordre d’apparition des certaines cartes. Il n’en reste pas moins que la vision kabbalistique, la correspondance avec l’alphabet hébraïque et l’Arbre des Séphiroths sont encore prégnants dans l’interprétation du Tarot en général aujourd’hui, et cette correspondance fut source d’inspiration pour d’autres tarots, notamment celui d’un autre membre de la Golden Dawn Aleister Crowley.
Ce ne sont pas, loin de là, les seules reprises et recherches sur le Tarot, mais cela reste les plus importantes et les plus décrites dans la littérature spécialisée.
L’interprétation moderne du Tarit, tant au niveau symbolique que divinatoire leur doit la plupart de ses bases. Il n’en demeure pas moins que cette recherche reste encore et toujours en pleine ébullition et que cette réflexion serait amputée d’une grande partie de sa substance si elle les passait sous silence.
Les sources interprétatives modernes
La plus importante relecture moderne, de part son caractère innovant, sa profondeur et son mysticisme lumineux est sans conteste celle d’Alexandre Jodorowsky, aidé dans sa tâche par son épouse Marianne Costa. Leur Voie du Tarot demeure le livre de chevet privilégié de tous les tarologues amateurs et autres amateurs de Tarot.
Jodorowsky reste, malgré sa modernité, dans la grande lignée des occultistes du 19 ème siècle par le caractère à la fois foisonnant et éclectique de son œuvre, tour à tour écrivain, scénariste de Bande Dessinée, mystique et réalisateur.
En collaboration avec le Maître Cartier Philippe Camoin, descendant d’une grande maison d’imprimeurs marseillais, il propose une version « restaurée » du Tarot de Marseille, qui est aujourd’hui un des plus gros tirages de jeux divinatoires et l’une des versions du Tarot de Marseille les plus connue et reconnue.
Pour Jodorowsky, le Tarot de Marseille est bien originaire de Marseille… ou plus précisément du Sud de la France et de l’Espagne. Il serait l’héritier d’une époque bénie, aux alentours de l’An Mil, où les 3 grandes religions monothéistes – Juive, Chrétienne et Musulmane – cohabitaient dans la plus grande harmonie.
Soucieux de conserver un témoignage de cette paix, devant la montée progressive de l’intolérance alimentée par la soif de pouvoir des chefs religieux, un « groupe de sages » aurait caché dans un simple jeu de carte la « connaissance sacrée » née de cette paix entre les hommes, afin de la protéger des convoitises jusqu’à ce que des êtres initiés et supérieurs la redécouvrent et sachent l’utiliser à sa juste valeur.
Si cette théorie se base sur des faisceaux d’indices et des présomptions plus que sur des certitudes historiques, elle n’en demeure pas moins séduisante par son romantisme et son mysticisme, tout en cadrant avec le message syncrétique que l’on peut relever dans les symboles du Tarot.
Plus anecdotique, une autre théorie met en avant l’origine romaine des symboles du Tarots, liés aux cultes de Bacchus-Dyonisos, transmis à travers le théâtre romain, puis par les saltimbanques bohémiens.
De même, une autre thèse fait état de l’origine bénédictine du Tarot : un groupe de moines conduit par l’Abbé Suger aurait dissimulé au XIIème siècle les symboles du jeu dans le scriptorium de la Basilique Saint-Denis.
Si ces thèses sont intéressantes intellectuellement parlant, elles ne s’appuient là encore que sur des présomptions et sont très loin de faire l’unanimité au sein des historiens et autres tarologues.
Nous le voyons, force est de constater que la Tarot n’a pas encore, loin s’en faut, livré tous ses secrets. Chaque carte représente des strates successives de symboles qui peuvent référer à plus traditions spirituelles et mystiques, des Chrétiens aux Celtes, des Juifs aux Égyptiens.
Cette plasticité intellectuelle, symbolique et spirituelle du Tarot explique non seulement la fascination qu’il exerce aujourd’hui et exercera sans doute très longtemps, mais également la profusion de jeux différents, des plus basiques ou plus artistiques reprenant plus ou moins l’iconographie originale, qui offre un choix quasi infini.
Exemple
de types de cartes montrant la variété des tarots modernes : Le célèbre Tarot Camoin-Jodorowski, le Tarot dit "Livre de Thot-Hermès", le Tarot Aquarian, et le Tarot Astrologica
Le Tarot, par la richesse et la profondeur de ses symboles archétypaux, peut laisser libre court à l’intuition et à l’imagination de chacun. Il n’a pas besoin de mettre un masque… il est le Carnaval tout entier. Il est le fruit d’une évolution, le produit de diverses pensées, qu’il dépasse et transcende toutes.
Son étude, lorsqu’elle est faite avec sérieux et humilité, élève l’esprit et permet même de le soigner, puisqu’il existe des programmes innovants de psychothérapie par la lecture et la méditation sur les arcanes du Tarot de Marseille.
Le Tarot, malgré son âge et ses mystères, n’a pas fini de nous interroger et de nous troubler par son étonnante modernité, car son message essentiel de syncrétisme, d’harmonie et de paix demeure plus que jamais d’actualité.
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