dimanche 6 janvier 2013

LA NOTION D'"ARCHÉTYPES"



LA NOTION D'"ARCHÉTYPES"
(selon Carl Jung)

Dans un désir d’étudier le divin dans son expression polythéiste et ancienne, certains pratiquants contemporains font donc référence à des écrits rédigés par des psychothérapeutes, en plus des travaux des historiens. Car, ils apportent un éclairage différent sur le rapport de l’être humain au divin, qui n’est pas traité par la discipline de l’histoire. C’est ainsi que la notion d’archétype est entrée dans les dialogues, les écrits et les pratiques des païennes du culte de la déesse ou du féminin sacré. 

L’archétype est utilisé dans le féminin sacré et le culte de la déesse (divin féminin) comme un outil pour appréhender la manifestation de la divinité en soi et dans ses actes. En ce sens, un païen ou une païenne ne croit pas en un archétype, ce n’est pas un objet de vénération. Il s’agit seulement d’un schéma ou d’un concept élaboré a posteriori par l’étude des mythes anciens, le contenu des rêves des êtres humains et la culture. Par exemple, Déméter est une figure que l’on associe à l’archétype de la mère ou « déesse mère ». Mais, il faut rester conscient que cette conclusion est moderne et contemporaine. Il n’est écrit nulle part dans les écrits grecs de façon littérale : « Déméter est l’archétype de la mère ».

C’est notre façon à nous, aujourd’hui au 3éme millénaire, avec le recul, avec l’avancée des sciences de comprendre et d’appréhender cette divinité en l’associant à un concept plus globale. Ce concept est issue de l’observation des divinités et figures mythiques féminines de mère/créatrice (d’un dieu fils, du monde, de la création, de l’humanité ou autres), et qui sont fréquemment associées à la sollicitude, la compassion, la sagesse, la sympathie, l’élévation spirituelle, la croissance et la fertilité. Cet archétype possède aussi aussi une face dite terrifiante, celle de la mère liée à l’obscurité, au monde des morts, aux secrets, à la séduction et au poison. La mère est la pourvoyeuse de vie et de la mort. 

Les archétypes sont selon Jung, des éléments de l’inconscient collectif. Et effectivement, leurs traits se retrouvent un peu partout dans le monde, dans différentes cultures et traditions, les rêves, même si ils subsistent aussi des différences. C’est une sorte de fond commun de représentations et de symboles de l’humanité. L’archétype n’est donc pas un dieu, mais un outil, une forme de représentation comparable au symbole. Il est conceptualisé par les êtres humains et il peut aider à comprendre, étudier et soigner le psychisme (esprit, âme…). 

Ne pas confondre initiation et thérapie...

Ainsi, l’archétype peut aussi être cité et employé (ce n’est pas une obligation) dans le domaine spirituel païen et initiatique pour sa capacité à établir des liens entre les figures divines des cultes anciens, notre quotidien, nous-même et le divin en soi. Il pallie peut-être au manque de sources et de transmissions dans certaines traditions, qui ont été interrompues dans le temps, en fournissant une méthode contemporaine d’approche du divin en soi, transposable dans les démarches initiatiques.

De la même manière, nous voyons des néo-chamanes occidentaux se faire initier chez des chamans amérindiens ou mongoles, pour renouer avec cette pratique et tenter de restaurer les pratiques de leurs traditions ancestrales en s’appuyant sur cette expérience, comme formation de base concrète. Ce qui explique aussi que la notion d’archétype est peu,voir pas utilisée dans les grandes religions (notamment monothéistes) non interrompues dans le temps, qui possèdent encore leur système de transmission, leur clergé, leurs institutions et qui sont plutôt de forme exotériques. Cet outil ne leur est d’aucune utilité, même si leurs figures divines et de saints peuvent aussi être reliés à des notions archétypales.

Dans le cadre des paganismes renaissants et surtout du culte de la déesse, le/la pratiquant(e) ne soigne pas sa psyché comme dans la psychothérapie avec cet outil. Mais, il l’étudie et l’explore en se reliant aux divinités et mythes de sa tradition. Le danger demeure dans la confusion possible entre démarche thérapeutique et démarche initiatique. 

L’archétype d’outil de soin devient support pédagogique. Prenons toujours l’exemple de la mère, ce n’est pas la génitrice au sens seulement biologique du terme, c’est à dire celle qui fait des enfants. Ce serait très réducteur de s’arrêter là et une lecture incomplète de ce qu’englobe comme notions le terme création et l’archétype de la mère. La mère est aussi une femme créatrice.

Donc, une femme qui créé son entreprise ou une association, incarne le modèle de la mère, dans le sens de celle qui geste un projet et le met au monde, donc qui créé. Je citerai d’ailleurs un extrait de l’ouvrage "Avec Sekhmet – Médecine, psychothérapie" de Denise Morel (Diane Marnand), page 22 : 

"Il n’est nul besoin d’être artiste, écrivain ou inventeur, pour se sentir créateur. Toute réalisation, en effet, devient acte de création, si elle permet de transformer la réalité en quelque chose de nouveau."

Une vision fermée ? 

Certains accusent aussi ceux qui se réfèrent aux archétypes dans le cadre du féminin sacré, de figer la féminité dans des «conventions ». Il est possible que certaines pratiquantes aient une lecture trop au pied de le lettre des archétypes et malheureusement en font effectivement des « conventions », voir même des dogmes incontestables. C’est dommage, mais après tout il y a des extrémistes dans tous les courants, sont-ce à partir d’eux qu’on doit pour autant se faire une idée de ceux-ci ? Je ne crois pas. Les archétypes ne sont pas des conventions et n’ont jamais été conceptualisés dans ce but, ni par Jung, ni par les psychothérapeutes contemporains auteur d’ouvrage sur ce thème. Ils sont beaucoup trop nombreux, et composés de notions généralistes, aux implications larges pour être qualifiés de conventions. Nous venons de le voir avec la mère qui est la créatrice, hors créer peut prendre se manifester de milliers de façons différentes. Cela n’est pas contraignant et ne signifie nullement « faire des enfants ».

De même l’archétype de la guerrière n’est pas la femme soldat ou engagée dans l’armée, mais tout simplement une femme capable de dire non et de défendre ses intérêts, s’engager pour une cause, ses proches ou conquérir ce qu’elle désire. Nous pouvons la voir dans une déesse, Artémis ou Sekhmet, ou dans une femme célèbre ayant réellement existé comme Rosa Parks, Hypathie d’Alexandrie, Jeanne d’Arc ou Dian Fossey. 

Un retour aux valeurs des sociétés traditionnelles patriarcales ? 

Un autre reproche est d’y voir une façon déguisée de ramener les femmes vers une société plus traditionaliste et paternaliste, en invoquant des modèles de sociétés anciens et patriarcaux. C’est effectivement un danger, venant de certaines idéologies naturalistes et mouvements écologiques, de retour à la nature, que Elisabet Badinter a notamment dénoncé dans son ouvrage polémique « Le conflit : la femme et la mère ». Et les païennes contemporaines devront être vigilantes à ce sujet, afin que leurs croyances ne soient pas instrumentalisées pour les priver des libertés qu’elles ont récemment acquises. Par exemple, toujours avec l’archétype de la mère, être femme signifierai devenir mère et donc obligatoirement être la bonne épouse au foyer, qui fait et élève les enfants (comme beaucoup de femmes de l’antiquité), sans autre perspective d’existence ou de réalisation de soi hors de ce cadre. Là encore, c’est une lecture simpliste et superficiel. Comme nous le venons de le voir précédemment être mère, cela n’a pas qu’un sens biologique et il y a beaucoup de femmes sans enfants qui incarnent à merveille l’archétype de la mère. Elles sont par exemple créatives, attentives aux autres, protectrices avec leurs proches…etc. Une femme n’est pas moins femme qu’une autre, parce qu’elle n’a pas fait d’enfant, et elle peut incarner dans ses activités l’archétype de la mère de bien d’autres manières. 

Dans la langue française en parlant d’être l’auteur d’une œuvre ou l’initiateur d’un projet, on parle de « paternité». Par exemple, la paternité de ce projet de construction revient à untel. Personne n’utiliserait maternité pour dire la même chose réalisée par une femme et c’est un défaut de la langue. Ceci signifie bien à quel point la notion de maternité n’est associé qu’à la création biologique parce que trop longtemps l’apanage de la création dans la société a été l’œuvre des hommes. L’archétype de la mère tel qu’étudié dans le féminin sacré par l’école de l’ordre du Lotus ou dans le culte de la déesse, au contraire affirme une maternité créatrice de la femme dans la société, qui se manifeste hors du foyer et autrement que par la procréation. 

L’archétype n’est pas une notion mauvaise en soi. Il est un outil qui ne s’avèrera trompeur qu’en fonction de la façon dont il est employé et compris par ceux qui l’utilisent. Il tient donc à celui ou celle, qui le cite où l’emploi de ne pas lui attribuer plus de pouvoir qu’il n’en a. Les archétypes ne sont pas des œillères à se mettre de chaque côté des yeux pour délimiter le monde à une vision de ce qui est correct d’être pour s’épanouir. Dans le cadre du féminin sacré, les archétypes sont nombreux. Et il est fréquent de citer les trois plus connus, souvent liés à la wicca, la jeune fille, la femme mère et la vieille. Cependant, ils en existent bien d’autres déclinaisons. Ce ne sont pas des visions fermées, car certains archétypes partagent parfois des traits communs avec d’autres. Ils comprennent tant de caractéristiques, qu’il y a des milliers de façon d’y être associée dans sa façon d’être.

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